Reconstruire une nation après un conflit violent suppose bien souvent l’occultation, l’oubli du passé pour imaginer un avenir meilleur. Effectivement, je n’ai pas tardé à m’apercevoir que de la réconciliation nationale au récit national, il n’y avait qu’un pas.
J’ai donc décidé de rapprocher le concept de réconciliation nationale du storytelling, technique de communication très connue dans les entreprises. Il consiste à raconter une histoire pour faire rêver le consommateur sur le produit qu’il pourrait acheter. Mais il peut aussi prévenir ou résoudre des conflits internes.
La réconciliation nationale s’opère dans un contexte très particulier, dans lequel des camps opposés doivent réapprendre à vivre dans un même pays, alors que les souffrances endurées n’ont pas encore disparu.
Le processus se déroule en deux étapes: coexistence et empathie.
Le récit de coexistence vise à dissoudre les oppositions pour donner aux individus une volonté de dialogue.
Il se manifeste en premier lieu dans les textes juridiques: accords de paix, lois d’amnistie, nouvelles constitutions.
En Irlande du Nord: l’accord du vendredi saint: négocié entre tous les partis en conflits, propose une amnistie des prisonniers politiques, et un partage du pouvoir selon le model consociationnel: grande coalition avec un parlement élu à la proportionnel.
L’accord promeut également les droits de l’homme, en particulier dans l’éducation, pour éviter les discriminations qui ont été à la base du conflit.
Le récit de coexistence apparaît aussi dans les discours.
Connaissez-vous l’ubuntu? C’est un concept typiquement africain utilisé en Afrique du Sud après l’apartheid. Il signifie que nos différences doivent être gommées par notre appartenance commune à l’humanité, laquelle nous rend sensible à autrui, donc aptes à pardonner.
Même s’il n’a pas suscité l’adhésion de tous les sud africains, c’est à mon sens le discours de coexistence par excellence, puisqu’il invite l’individu à l’empathie.
Le récit d’empathie se caractérise par des initiatives plus participatives, plus citoyennes, dénuées d’intentions politiques.
Il s’agit de créer des espaces de dialogues entre les anciens belligérants, débattre, dessiner, et au bout du compte, écrire un récit acceptable pour tous.
Ces récits visent à imaginer un avenir meilleur qui passe souvent par des solutions de reconstruction et de réinsertion. Reconstruire une maison, une école, monter de petites entreprises agricoles…
La communication, obligatoire au départ, devient peu à peu un besoin pour les individus, de partager leur propre expérience du conflit et de se tourner vers l’autre camps.
Comment transmettre les récits obtenus?
J’ai étudié deux canaux de transmission: la Commémorations et l’éducation. Des livres d’histoire aux écoles des droits de l’homme, des jours de commémoration aux musées de la paix, j’ai observé à la fois des récits de coexistence et d’empathie.
Mais certains récits sont plus dogmatiques que d’autres.
C’est le cas des lois mémorielles quiimposent le point de vue de l’Etat sur des événements historiques.
L’histoire ne devrait pas être figée ainsi dans le droit même sous couvert de je ne sais quelle diplomatie ou prévention d’un conflit avenir. Comme les découvertes scientifiques, elle ne finit jamais d’évoluer.
C’est pourquoi la liberté d’expression et l’esprit critique sont indispensables, c’est le message que je voudrais passer à mes lecteurs.
La paix, toute une histoire, La réconciliation par le storytelling éd. Renaissens
La Paix, toute une histoire!